La forge :
La forge est un abri d'aspect sobre fait d'un
toit de chaume et de poutrelles qui reposent sur un muret de pierres
sèches. Les gens de métier forment des castes endogames et vivent en
marge de la société Dogon. C'est le cas des forgerons. Ils ne se marient
pas avec quelqu'un d'extérieur à leur communauté. Ils se divisent en
deux castes distincts :
Les Jèmè-na plongent leurs racines dans
un lointain passé. Ils occupent principalement la plaine du Séno-Gondo.
Ils maîtrisaient le métier de l'extraction et de fonte du minerai de
fer. Cette industrie a disparue vers les années 30/40 du siècle dernier.
La période coloniale a facilité l'accès à d'autres sources d'approvisionnement.
Aujourd'hui des restes d'anciens fourneaux en terre sont encore visibles
dans la plaine et sur le plateau. Mais qui sont ces forgerons et quelles
sont leurs origines ? Difficile d'y répondre mais toujours est-il que
les forgerons Dogon de la plaine étaient réputés pour leur haute technicité
depuis fort longtemps. Le Yatenga des débuts du deuxième millénaire
atteste déjà d'une activité métallurgique attribuée aux Kibse/Dogon.
Du temps des conquêtes Songhay et Mossi, une pratique courante consistait
à prélever des forgerons dans leurs villages d'origine pour les réinstaller
ailleurs en territoire conquis. Leur savoir-faire en matière de fabrication
d'armes et outils agricoles était vital pour tout conquérant digne de
ce nom. C'est en toute logique que les Dogon du plateau, en manque de
forgerons, se sont tournés vers eux pour apprendre le métier.
Les Irine sont d'anciens cultivateurs
Dogon qui ont appris le métier de la forge auprès des Jèmè-na. Ils fabriquent
des outils agricoles. Dans un passé récent, ils travaillaient le fer
brut qu'ils achetaient auprès des Jèmè-na. Ils travaillent aussi le
bois. C'est parmi eux qu'il faut chercher les grands sculpteurs Dogon.
On leur attribue des pouvoirs de guérisseurs. Ils interviennent aussi
comme médiateurs pour régler des différends entre villageois, une responsabilité
qu'ils partagent avec le Hogon. Leur village d'origine n'est pas leur
lieu de résidence. Ils s'installent là où une place de forgeron se libère.
Les Irine portent souvent le patronyme de leur village d'adobtion. On
dit qu'un forgeron Jèmè-na, s'il le désire, peut prendre la place à
tout forgeron Irine, une décision à la quelle celui-ci doit se soumettre.
En vue de la mobilité des clans forgerons à travers le temps et l'espace,
on est en droit de se demander quel est l'impact réel qu'ils ont eu
sur l'évolution de la culture matérielle dite "Dogon". Les forges ont
beau ne pas être parés de signes de culte, les créations artistiques
qui en proviennent sont une des manifestations les plus éclatantes de
l'univers cultuel Dogon.
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