Le site www.dogon-lobi.ch est un journal de voyage. Les photos présentées sont le fruit d'une vingtaine de séjours étalés sur autant d'années. Toutes ont été faites en compagnie de mes amis Ana et Serou Dolo, fils de Diangouno Dolo ancien chef de village de Sangha. C'est graçe à eux que tous ces voyages à pied ont pu se faire. Aujourd'hui, Ana tient l'Hôtel Campement Gir-Yam à Sangha et Serou s'est spécialisé dans la construction de puits, barrages et retenues d'eau.

     Mise à part mes observations personnelles, le texte qui suit s'inspire des nombreuses études ethnographiques qui ont été menées au pays Dogon. L'idée est de replacer une sélection d'images dans leur contexte culturel & historique. Je remercie d'avance les visiteurs qui me font part de leurs réflexions et expériences.

     Le pays Dogon se situe au sud-ouest de la boucle du Niger. Il se divise en trois zones : le plateau, la falaise et la plaine. Le plateau se dresse telle une forteresse à plus de 300 mètres au-dessus d'une plaine qui l'entoure de tous côtés. Il est délimité par une falaise qui s'étend sur plus de 200 kilomètres du sud-ouest au nord-est. Celle-ci domine une plaine qui rejoint le Burkina Faso.

 

         
   
vue sur la plaine de Séno-Gondo
 
plateau central
 
vue sur la plaine vers le fleuve Niger

 

     Le peuplement du pays Dogon s'est fait par vagues successives. A travers les âges des populations d'horizons divers se sont succédées et se sont partagées, non sans mal, un même territoire. Aujourd'hui l'originalité de ce pays réside dans sa diversité ethnique, culturelle et linguistique. Toute idée d'un univers Dogon homogène est un mythe.

     Comme tant d'autres sociétés paysannes, les Dogon ne connaissent pas un système de pouvoir centralisé. L'autorité politique et religieuse s'exerce au niveau du village. Chaque région a ses propres traditions et croyances. Mythes et histoire se déclinent en autant de variantes.

     La paroi de la falaise de Bandiagara est parsemée de grottes. Des surplombs rocheux empêchent la pluie d'y pénétrer. Les prédécesseurs des Dogon y érigèrent, à l'abri des éléments naturels, des constructions cylindriques en terre servant de greniers, sépultures et lieux de culte. Dans les années 60/70, des archéologues néerlandais y effectuèrent des fouilles et mirent en évidence deux cultures distinctes :

     Un auvent dans la vallée de Tule, non loin de Sangha, abrite des constructions Toloy. Des tests de datation carbone 14 révèlent que l'implantation Toloy remonte au 3ème/2ème siècle avant notre ère. A part ces quelques édifices, cette civilisation n'a pas laissé d'autres traces.


         
   
auvent de Tule : culture Toloy

 
auvent de Tule : culture Toloy

 
auvent de Tule : culture Toloy

 

    Par contre, les fouilles ont mis en lumière la richesse de la culture Tellem. L'arrivée de ce peuple dans la falaise remonte au 11ème siècle. Des ossements humains et une foule d'objets ont été répertoriés et analysés : tissus, vanerie, verroteries, perles, labrets, poteries, couteaux, appuie-nuques, etc. Leurs habitations se trouvaient selon toute vraisemblance dans les éboulis de la falaise. Pluies et aléas du climat en ont effacé toute trace.


         
   
vestiges Tellem - Yougo Dogorou

 
vestiges Tellem - Yougo Dogorou

 
la falaise près d'Ireli

 

    Dès la fin du 14e siècle, Tellem et Dogon ont habité un même territoire pendant environ 200 ans. D'après la tradition orale les Tellem se seraient déplacés vers le sud-est et auraient été assimilés aux Kurumba (Burkina Faso). Or des études anthropométriques menées par l'équipe des chercheurs néerlandais ont démontré que Tellem et Kurumba sont dissemblables. Cependant ces recherches se sont limitées à la région de Sangha et ne sont donc pas représentatives de l'ensemble de la population dites "Tellem". Chassés de leur habitat, des groupes résiduels d'hommes ont dû se disperser dans la plaine en direction du Yatenga. N'ayant pu survivre en tant qu'entité ethnique homogène, ils ont été assimilés aux populations en place.

 

     Aujourd'hui, les habitants de la plaine qui portent le patronyme Ganamé se disent de descendance Tellem. Ils vivent principalement à Koro, Arbinde, Kayn et Yoro (zone frontalière avec le Burkina faso). Les patronymes se rapportent souvent à des événements mythico-historiques. Selon Youssouf Tata Cissé (ethnologue Malien) le nom de "Ganamé" est une déformation de "Ganama" ce qui signifie "gens du Ghana/Wagadu". Il se peut que l'arrivée des Tellem dans la falaise a un rapport avec ces vagues de migrants Soninke venus du Nord après l'éclatement de l'empire du Ghana au 11e siècle. L'origine des Tellem est obscure mais les objets provenant des fouilles (textiles en particulier) sont la preuve matérielle d'une culture riche. Il n'a pas encore été possible de déterminer si les textiles Tellem sont des produits importés ou tissés localement. Jusqu'à ce jour des restants de métiers à tisser n'ont pas été retrouvés. Quoi qu'il en soit, le port de vêtements tissés selon des techniques raffinées ne peut être que l'apanage d'un peuple doté d'une économie non seulement rurale mais aussi marchande.

 

     Ci-dessous quelques exemples de vestiges anciens qui n'ont pas été datés et dont les bâtisseurs n'ont pu être identifiés. Toutefois, les travaux des Hollandais des années 60/70 nous donnent quelques indications : la construction à l'aide de boudins est antérieure à celle en briques crues de la période Tellem.


         
   
saourakoum : en briques crues

 
mori : en boudins

 
panganin : en briques et pierres

 

     Les Dogon parlent aussi volontiers des Nongo, un peuple contemporain des Tellem. On leur attribue un style statuaire particulier. Malheureusement des données provenant de recherches archéologiques font défaut. Bien qu'il est difficile de séparer mythes et réalité, les Dogon disent que les descendants des Nongo vivent dans la plaine du Séno-Gondo à Bay. Selon Hélène Leloup il pourrait y avoir un lien entre les Nongo et les Samo du Yatenga au Burkina Faso (" Statuaire Dogon - 1994 " - pages 141/142).

 


     Aujourd'hui la recherche archéologique en pays Dogon est du ressort de la MAESAO (Mission Archéologique et Ethnoarchéologique Suisse en Afrique de l'Ouest). De nombreux sites d'occupations humaines ont été localisés. La présence de l'homme sur le plateau a ainsi été attestée dès 70 000 av J.C.
Pour une description détaillée des travaux entrepris veuillez consulter : http://anthro.unige.ch/ounjougou/


         
   
art rupestre du plateau : non identifié

 
art rupestre du plateau : non identifié

 
art rupestre du plateau : non identifié

 

voir :

  • R.Bedaux "Tellem, reconnaissance archéologique d'une culture de l'ouest africain
    au moyen âge - Soc. Des Africanistes 1972 "
  • R.Bolland " Tellem Textiles - 1991 "
  • B.Gardi " Textiles du Mali - 2003 "
  • H.Leloup " Statuaire Dogon - 1994 " " Textiles du Mali - 2003 "
  • A. Schweeger-Hefel " Masken und Mythen - 1980 "
  • Bruno Martinelli " Trames d'appartenances et chaînes d'identité entre Dogons et Moose dans le Yatenga et la plaine du Sèno - Cahiers Sciences Humaines 1995"
    http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_4/sci_hum/42877.pdf
  • J.Y. Marchal " Vestiges d'occupation ancienne au Yatenga - Une reconnaissance du pays Kibga - 1978 " http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_7/autrepart/010012979.pdf